Lire
La prise en compte des dividendes dans le calcul de la taxe sur les salaires pourrait contrevenir à la directive mère-fille. Une question préjudicielle a été transmise à la CJUE. En cas de décision favorable, certaines entreprises (holdings, banques, fintechs, etc.) pourraient exclure les dividendes du rapport d’assujettissement, réduisant fortement leur taxe. Analyse des enjeux, des secteurs concernés, et des démarches à engager avant le 31 décembre 2025 pour préserver ses droits.
L’article 4 de la Directive Mère Fille prévoit que lorsqu’un Etat opte pour l’exonération des dividendes, comme c’est le cas pour la France, il peut prévoir que les charges liées aux participations résultant de la distribution des dividendes de la filiale européenne ne soient pas déductibles. Le texte prévoit également la possibilité pour les Etats de fixer forfaitairement le montant de ces charges sans que ce montant forfaitaire ne puisse excéder 5% des bénéfices distribués de la filiale.
La Cour administrative d’appel de Paris a récemment dû se prononcer sur les impôts qu’il y a lieu de prendre en compte pour déterminer comment doit être calculé ce montant de 5%.
Le requérant, un établissement bancaire, soutenait notamment que la prise en compte des dividendes dans la base de la CVAE, du fait du plan comptable des établissements de crédits, ne respectait pas la directive mère-filiale car cela conduisait à imposer les dividendes au-delà des 5% autorisés par la directive.
La Cour administrative d’appel estimant qu’il existait une difficulté sérieuse d’interprétation du droit de l’Union européenne, elle a transmis une question préjudicielle à la Cour de justice.
La question se pose également en matière de taxe sur les salaires puisque ces dividendes sont susceptibles d’être intégrés dans le rapport d’assujettissement à celle-ci conduisant également à une imposition qui pourrait aller au-delà des 5% prévus par la directive.
La Cour de justice de l’Union européenne a jugé à ce titre, le mois dernier (CJUE, 1er août 2025, C‑92/24 à C‑94/24), que cette limite de 5% ne s’applique pas uniquement à l’impôt sur les sociétés mais également à d’autres impôts.
La Cour administrative d’appel de Paris avait quant à elle jugé, avant cet arrêt, qu’il n’existait pas de difficultés à prendre en compte les dividendes dans le rapport d’assujettissement à la taxe sur les salaires (CAA Paris, 9 juillet 2025, n°24PA00252).
Pourtant cette prise en compte conduit indirectement à imposer les dividendes au delà du seuil de 5%.L’arrêt de la Cour de justice ouvre ainsi des perspectives de réclamation.
La taxe sur les salaires est une spécificité française qui s’applique aux employeurs établis en France qui ne sont pas assujettis à la TVA sur plus de 10 % de leur chiffre d’affaires.
Selon la jurisprudence du Conseil d’État (CE, 31 mars 2023, Ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance c/ SA Legris Industries, n° 460838), une société est redevable de cette taxe dans deux cas :
Pour les entreprises concernées, la taxe est calculée sur les rémunérations versées (base CSG), selon un barème progressif. Le montant dû est ensuite multiplié par un rapport d’assujettissement, calculé, sauf exception, sur l’année N-1. Ce rapport est déterminant afin de déterminer le montant de la taxe.
Le rapport d'assujettissement se calcule comme suit :
(Recettes et autres produits n’ouvrant pas droit à déduction de la TVA) / (Recettes et autres produits, y compris ceux hors champ TVA comme les dividendes ou les subventions non exceptionnelles).
Les dividendes jouent ici un rôle essentiel. Bien qu’ils soient hors du champ d’application de la TVA, ils sont intégrés au dénominateur du rapport d’assujettissement, sans pour autant ouvrir droit à déduction. Leur poids dans le chiffre d’affaires global peut donc faire basculer une entreprise dans le champ de la taxe sur les salaires, ou augmenter significativement son rapport d’assujettissement à la taxe, accroissant ainsi le montant de la taxe.
Dans ce cadre, sont donc particulièrement exposés à cette taxe :
À l’inverse, certains opérateurs bénéficient d’une exonération légale, tels que les collectivités publiques, les opérateurs en franchise de TVA ou les universités ne sont pas concernés.
Des stratégies d’affectation des salariés à des activités spécifiques peuvent permettre d’atténuer l’impact de la taxe (sectorisation telle que prévue par la loi et la doctrine).
Toutefois, ces mécanismes restent partiels : dans les faits, une entreprise dont une part significative de l’activité (notamment la perception de dividendes) échappe à la TVA ne pourra éviter totalement l’assujettissement à la taxe sur les salaires.
En pratique, l’exclusion potentielle des dividendes du calcul du rapport d’assujettissement constituerait une formidable opportunité pour limiter le montant de la taxe sur les salaires, voire permettre à certaines entreprises de sortir totalement du champ d’application de cette taxe.
En effet, une telle exclusion – si elle est validée – aurait pour effet mécanique de réduire le dénominateur du rapport, et donc de faire baisser le taux d’assujettissement à la taxe sur les salaires.
Sans plus attendre, il convient donc de déterminer les impacts chiffrés que la décision favorable de la CJUE pourrait avoir sur votre société, ainsi que les conséquences qui en découleraient en matière de taxe sur les salaires.
Il est en effet important, pour les sociétés concernées, de sauvegarder leurs droits en déposant une réclamation auprès de l’administration afin de demander le remboursement de la taxe sur les salaires.
Afin de pouvoir assister au mieux nos clients, nous travaillons en coordination sur ce sujet avec le cabinet Mispelon Avocats dédié au contrôle et au contentieux fiscal.
Nous offrons ainsi une expertise technique croisée en matière de taxe sur les salaires et de contentieux fiscal afin d'augmenter les chances de succès de nos clients.
N’hésitez donc pas à nous contacter pour réaliser dès à présent un audit de votre situation et déposer une réclamation auprès de l'administration afin de préserver vos droits.
Le délai de réclamation en matière de taxe sur les salaires expire en principe le 31 décembre de la deuxième année suivant son versement (LPF, art. R*196-1).
Le Conseil d’Etat a précisé que les versements périodiques effectués au cours d’une année n’ont que le caractère d’acompte. Ainsi, la taxe sur les salaires due sur les rémunérations versées au cours de l’année 2022 est définitivement liquidée au cours de l’année 2023 et il est possible de déposer une réclamation, au titre de cette année, jusqu’au 31 décembre 2025.
Selon les situations, il est également possible de demander l’application de délais de réclamation spéciaux permettant de déposer des réclamations au titre d’années antérieures.
Avocat associé
Avocat associé
Découvrez les dernières actualités en matière de fiscalité indirecte et du cabinet.