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Contrairement aux rumeurs qui circulent sur les réseaux sociaux, la France ne supprimera pas intégralement le régime douanier 42 au 1er janvier 2026.
Cependant, une modification substantielle de ses modalités d'application entrera en vigueur à cette date, impactant directement les entreprises non-européennes qui importent des marchandises via la France à destination d'un autre État membre de l'Union européenne.
L’analyse aboutissant à cette rumeur de disparition de la procédure douanière 42, est inexacte et relève d’une confusion entre le droit douanier et des dispositions particulières en matière de TVA.
Le régime douanier 42 permet, lors de l'importation de marchandises en provenance d'un pays tiers, de bénéficier d'une exonération de la TVA au point d'entrée dans l'Union européenne, à la condition que ces biens soient immédiatement expédiés vers un autre État membre (importation suivie d’une livraison intracommunautaire)..
La principale évolution réside dans la fin du recours à la représentation fiscale ponctuelle. Jusqu'à présent, une entreprise non-européenne pouvait mandater un représentant fiscal en France pour utiliser son numéro de TVA et ainsi faciliter ces opérations sans avoir à s'immatriculer elle-même à la TVA française.
À compter du 1er janvier 2026, cette facilité prendra fin. Les entreprises non établies dans l'UE et souhaitant continuer à utiliser le régime 42 via la France devront obligatoirement s'immatriculer à la TVA en France et disposer de leur propre numéro de TVA français. Cette mesure vise à renforcer le contrôle et à lutter contre la fraude à la TVA.
Cette réforme obligera les entreprises concernées, notamment celles opérant sous les incoterms DDP (Delivered Duty Paid), à revoir leur chaîne logistique et leurs obligations déclaratives en Europe.
Elles devront au titre des flux où les biens seraient finalement expédiés dans un autre Etat de l’Union européenne :
Au titre des flux d’importation suivie d’opération en France, les opérateurs pourront toutefois faire appel à un mandataire à l’importation alors qu’auparavant, ils étaient tenus de s’immatriculer à la TVA. Les opérateurs bénéficient ainsi d’une nouvelle opportunité.
Selon l'article 289 A du Code général des impôts, un assujetti établi dans un pays tiers doit désigner un représentant fiscal en France lorsque deux conditions sont réunies :
Ce représentant, qui agit comme intermédiaire entre l'entreprise étrangère et l'administration fiscale française, doit répondre à des critères stricts :
Ce principe général de représentation fiscale connaissait une exception notable : une forme de représentation allégée, connue sous le nom de représentation fiscale ponctuelle.
Ce dispositif simplifié était spécifiquement destiné aux entreprises étrangères qui n'étaient pas établies dans l'Union européenne. Il leur permettait de désigner un représentant pour des opérations bien définies, qui bénéficiaient d'une exonération de TVA.
Cette représentation ponctuelle était autorisée exclusivement pour les deux cas de figure suivants :
L'objectif de ce régime simplifié était de ne pas imposer les contraintes lourdes et coûteuses de la représentation fiscale classique à des entreprises non établies réalisant des opérations seulement occasionnelles en France.
Contrairement au représentant fiscal unique et permanent, ce système offrait une souplesse considérable. Une entreprise étrangère pouvait mandater différents représentants fiscaux ponctuels au cours d'une même année. Le choix du représentant pouvait ainsi être adapté à chaque opération, en fonction de l'itinéraire logistique, du mode de transport ou du lieu de dédouanement en France.
Dans la pratique, ce rôle était très souvent assuré par les Représentants en Douane Enregistrés (RDE), qui intégraient cette prestation fiscale à leurs services de dédouanement.
Pour exercer cette activité, ces représentants se voyaient attribuer par l'administration un numéro de TVA spécifique à leur statut de représentant fiscal ponctuel. En contrepartie, ils étaient tenus de déposer une déclaration trimestrielle récapitulant l'ensemble des opérations réalisées sous ce numéro pour le compte de leurs divers clients étrangers.
Cependant, au fil des années, il est apparu que ce régime simplifié était massivement détourné et servait de vecteur à de nombreuses fraudes à la TVA sur les importations. La souplesse du système était exploitée pour faire échapper des biens à la taxation lors de leur entrée sur le marché européen.
Face à ce constat, le législateur a décidé d'abroger le régime de la représentation fiscale ponctuelle pour les opérateurs établis hors de l’Union européenne.
Pour le remplacer, un nouveau dispositif a été instauré : le "mandataire ponctuel à l'importation", encadré par des règles plus strictes.
Ce texte crée un nouveau dispositif dérogatoire qui permet à une entreprise non établie en France de désigner un mandataire pour gérer ses obligations TVA, mais dans un cadre très restreint et contrôlé.
Prévu à l’article 289 A bis du CGI, ce régime de représentation n’est possible que pour les entreprises non établies en France ou dans l’Union européenne ET non identifiées à la TVA en France. L’objet est donc bien d’éviter une immatriculation à la TVA d’un opérateur étranger concerné.
Le texte et le décret précise les opérations exactes pour lesquelles un mandat est possible. Il s'agit exclusivement des flux liés au commerce international :
Il est essentiel de distinguer le régime du mandataire ponctuel (analysé précédemment) d'un autre dispositif prévu par l'article 293 A quater du Code général des impôts.
Ce dernier mécanisme offre la possibilité de désigner une autre personne que l'opérateur étranger (non établi dans l'UE) comme redevable de la TVA à l'importation.
La personne désignée comme redevable est celle pour les besoins de laquelle le bien est importé et utilisé en France. Il s'agit donc typiquement du client ou du destinataire final des marchandises.
Cette option permet de transférer la responsabilité du paiement de la TVA de l'importation du vendeur étranger vers l'acheteur français.
Ce régime s’applique que l’importation soit soumise à la TVA ou non.
Les conditions pour devenir mandataire sont drastiques et visent à ne retenir que des acteurs fiables et bien établis :
L’administration cherche donc à limiter ce régime à des opérateurs qui ne sont pas uniquement représentants fiscaux mais sont en lien direct avec les biens. Les représentants seront donc probablement des opérateurs différents comme des transporteurs, logisticiens ou encore prestataire en charge de la façon des biens.
Il convient de noter qu’un opérateur étranger peut nommer plusieurs mandataires : cela s’explique par la possibilité que l’opérateur ne soit pas à même d’identifier un seul opérateur en lien avec la marchandise au titre de l’ensemble de ses flux.
C'est le cœur administratif du dispositif. Pour être reconnu, le mandataire doit suivre une procédure rigoureuse :
Il faut donc anticiper avant d’opérer une importation avec ce régime. Toutefois, le délai sera bien moins long à mettre en place qu’une immatriculation à la TVA en France.
Le mandataire gère toutes les formalités TVA de son client (déclaration, paiement, déduction, registres) : il opère ces dépôts au nom et pour le compte du client.
A la différence du représentant fiscal, il est n’est pas redevable pour le compte de la société étrangère. Toutefois, il est solidairement responsable du paiement de la TVA due par son client, ainsi que des pénalités et intérêts de retard. L'administration fiscale peut se retourner contre lui en cas de défaillance de l'entreprise étrangère.
Le mandataire doit être clairement identifié comme tel sur les déclarations en douane. Il faut donc clairement informer le représentant en charge du dépôt de la déclaration.
Le mandataire dépose une seule déclaration de TVA (sous son numéro de TVA dédié) qui regroupe les opérations de tous ses clients pour la période concernée.
La transparence est imposée à l’opérateur :
Ces mesures créent une piste d’audit : l'administration peut, à tout moment, exiger une vue détaillée de l'activité du mandataire et vérifier la cohérence entre les déclarations en douane, le registre et la déclaration de TVA. Le délai très court de 20 jours impose une tenue des registres irréprochable et en temps réel.
Le décret précise comment le mandat peut prendre fin :
Le régime 42 ne disparaît pas au 1er janvier 2026.
Toutefois, les opérateurs non établis dans l’Union européenne qui choisiraient de faire transiter des biens depuis la France vers d’autres Etats membres devront privilégier un régime de transit.
A titre de simplification, les opérateurs hors UE pourront en France éviter dorénavant les immatriculations à la TVA du simple fait d’une importation en France. Le régime de mandataire permettra à ces derniers de désigner :
A défaut d’application de ces régimes (transit ou mandataire), les opérateurs étrangers se retrouveraient à devoir s’immatriculer à la TVA en France avec, si besoin, un représentant fiscal. Les coûts et le délai seraient dès lors plus importants.
Avocat associé
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