Parahôtellerie

Régime de parahôtellerie : le Conseil d'État censure partiellement la doctrine administrative

11/2025
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Le Conseil d'État, par sa décision du 12 novembre 2025 (n°498267), a statué sur la légalité de commentaires administratifs publiés le 7 août 2024 au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) sous la référence BOI-TVA-CHAMP-10-10-50-20. Ces commentaires visaient à interpréter les modifications apportées au régime de TVA applicable aux prestations d'hébergement meublé par l'article 84 de la loi de finances pour 2024.

La haute juridiction a jugé que certains passages de cette doctrine ajoutaient à la loi et devaient donc être censurés.

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Le Syndicat des professionnels de la location meublée (SPLM) avait introduit un recours pour excès de pouvoir, demandant l'annulation de plusieurs passages desdits commentaires. Plus précisément, le syndicat contestait :

  • Les "remarques" figurant aux paragraphes 80 et 90 des commentaires, qui prévoyaient que pour un séjour d'une durée inférieure à une semaine, la condition de nettoyage régulier des locaux ou de renouvellement régulier du linge de maison était satisfaite si la prestation était effectuée "au moins avant le début du séjour" ou "au moins au début du séjour".
  • Une énonciation du paragraphe 100, qui, selon le SPLM, laisserait entendre que la simple mise à disposition d'une boîte à clés suffirait à constituer une prestation de « réception, même non personnalisée, de la clientèle ».

Le Conseil d'État a donné partiellement raison au SPLM. Il a annulé les passages des paragraphes 80 et 90 relatifs aux séjours de moins d'une semaine. La haute juridiction a jugé que ces remarques "ajoutent à la loi, telle qu'interprétée conformément aux dispositions de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 qu'elle transpose". En d'autres termes, l'administration fiscale avait, par ces précisions, créé une condition de satisfaction des services non prévue par la loi elle-même, qui exige un nettoyage et un renouvellement "réguliers".

En revanche, le Conseil d'État a rejeté la demande d'annulation concernant le paragraphe 100. Il a considéré que les commentaires administratifs ne méconnaissaient pas l'article 261 D du code général des impôts. La Cour a clarifié que le BOFiP ne soutenait pas qu'une simple boîte à clés caractériserait la réception, mais plutôt qu'une offre combinant un accueil physique avec remise des clés et un accueil via un dispositif de communication électronique avec mise à disposition des clés par une boîte à clés était conforme à la notion de "réception, même non personnalisée".

Analyse de la décision au regard du BOFiP

La décision s'inscrit directement dans le cadre des modifications apportées par l'article 84 de la loi de finances pour 2024 (n° 2023-1322 du 29 décembre 2023) à l'article 261 D du Code général des impôts (CGI). Cet article, transposant la directive européenne 2006/112/CE, prévoit une exonération de TVA pour les locations meublées à usage d'habitation, sauf si elles sont assimilées à des prestations d'hébergement de type hôtelier ou similaire (parahôtellerie).

L'assimilation est caractérisée par la réunion cumulative de deux conditions : une durée n'excédant pas trente nuitées et la fourniture d'un local meublé assorti d'au moins trois des quatre prestations annexes suivantes :

  • le petit déjeuner,
  • le nettoyage régulier des locaux,
  • la fourniture de linge de maison,
  • et la réception, même non personnalisée, de la clientèle.

Les commentaires administratifs du BOFiP du 7 août 2024 avaient pour objectif de détailler l'application de ces nouvelles règles. La pierre d'achoppement résidait dans l'interprétation du caractère "régulier" des services de nettoyage et de fourniture de linge pour les séjours de courte durée. Le Conseil d'État a souligné que les "remarques" annulées (paragraphes 80 et 90) introduisaient une dérogation à cette exigence de régularité pour les séjours de moins d'une semaine, en considérant qu'une prestation unique effectuée au début du séjour suffisait.

Cette interprétation était en contradiction avec la finalité de l'article 261 D du CGI, qui est d'exclure de l'exonération TVA les prestations d'hébergement s'apparentant à l'hôtellerie. Or, l'exigence de services "réguliers" vise précisément à distinguer une simple location meublée (exonérée) d'une prestation de services hôtelière (assujettie).

La directive 2006/112/CE, telle qu'interprétée par la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE), exige une interprétation stricte de l'exonération des locations immobilières, afin d'assurer l'assujettissement des activités de type hôtelier.

En permettant à une prestation unique de satisfaire l'exigence de "régularité" pour les courts séjours, l'administration fiscale s'éloignait de cette interprétation, risquant ainsi d'assujettir des activités qui, par la nature des services proposés, restaient distincte des activités hôtellières.

Le Conseil d'État a donc estimé que l'administration avait "ajouté à la loi", excédant ainsi son pouvoir d'interprétation et créant une règle plus favorable non prévue par le législateur.

L'administration avait probablement anticipé ce point en modifiant la rédaction lors de la publication du BOFiP postérieur qui indique que "le prestataire d’hébergement est admis à considérer la condition comme satisfaite". La rédaction est donc dorénavant rédigée comme une tolérance.

Concernant la réception de clientèle (paragraphe 100), la décision valide l'approche de l'administration. L'article 261 D CGI mentionne expressément une "réception, même non personnalisée". Le Conseil d'État a jugé que l'exemple d'une offre de choix entre accueil physique et un système électronique avec boîte à clés pour la remise des clés ne réduisait pas la prestation de réception à la simple mise à disposition d'une boîte, mais décrivait un processus plus complet de "réception" adapté aux nouvelles pratiques.

En réalité, le BOFiP postérieur à celui attaqué indique "Remarque : Dès lors, la seule mise à disposition des clés via une boîte à clés, sans alternative proposée avec un accueil physique, ne saurait constituer une réception même non personnalisée de la clientèle."

La position de la DGFiP était donc venue mettre fin au débat.

Qu'en retenir ?

Le Conseil d'État est le juge naturel de l'excès de pouvoir des actes administratifs, y compris les instructions fiscales. Il est constant qu'une instruction ne peut ajouter à la loi ou la contredire. Ici, l'ajout d'une modalité de satisfaction des conditions pour les courts séjours, qui assouplissait la définition de "régulier", constituait une modification substantielle non autorisée par le texte législatif.

La Cour de Justice de l'Union européenne interprète de manière stricte les exonérations de TVA et, par ricochet, de manière large les exceptions à ces exonérations (comme les services hôteliers). L'objectif est d'éviter les distorsions de concurrence entre les opérateurs économiques.

Le terme "régulier" implique par nature une répétition ou une fréquence, et non une action unique, même si la durée du séjour est courte. L'administration ne pouvait pas vider ce terme de sa substance pour des séjours inférieurs à une semaine sans trahir l'esprit de la loi.

En revanche, la confirmation de la légalité de l'interprétation de la "réception, même non personnalisée" est également logique. L'article 261 D CGI prévoit explicitement le caractère non personnalisé, reconnaissant la modernisation des modes d'accueil.

Quelles implications ?

Pour les contribuables (professionnels de la location meublée) :

  • Incertitude accrue sur les séjours courts au titre du BOFiP d'août 2024 à mars 2025 : Pour les propriétaires louant pour des durées inférieures à une semaine, la simple prestation de nettoyage et de renouvellement du linge avant l'arrivée du client ne garantit plus automatiquement que les conditions de "nettoyage régulier" et de "fourniture de linge de maison" soient remplies pour l'assujettissement à la TVA.

    Les opérateurs devront être plus vigilants et, si leur objectif était d'être assujettis à la TVA (pour récupérer la TVA sur leurs investissements), ils devront s'assurer que leurs prestations sont véritablement "régulières" ou qu'elles incluent d'autres services permettant d'atteindre le seuil des trois prestations.
  • Fin d'une lecture extensive par certaines brigades :
    En parallèle, cela mettra fin à la position de certaines brigades de vérification qui voyaient par le BOFiP un moyen de reconnaître l'assujettissement à la TVA de certains opérateurs qui en réalité n'offraient pas réellement une offre similaire à un hôtel pour des séjours brefs.
  • Perte de l'opposabilité du BOFIP : En parallèle, cela mettra fin à la position de certaines brigades de vérification qui voyaient par le BOFiP un moyen de reconnaître l'assujettissement à la TVA de certains opérateurs qui en réalité n'offraient pas réellement une offre similaire à un hôtel pour des séjours brefs.

    Pour rappel, un BOFiP n'est en principe opposable que par les contribuables et non par l'administration. En effet, ce BOFiP ne sera plus opposable : les contribuables perdent ainsi l'opportunité d'invoquer cette doctrine au besoin.

    En réalité, il est fort à parier que le SPLM souhaitait en réalité éviter que cette doctrine soit détournée par les brigades, comme nous le voyons souvent, comme un argument permettant de justifier une politique nationale de redressement.

Pour l'administration fiscale

  • Interprétation plus fine : Elle devra désormais apprécier la régularité du nettoyage et de la fourniture de linge au cas par cas pour les séjours courts, sans présomption automatique qu'une simple prestation avant le début du séjour implique l'assujettissement à la TVA.

    Cela implique une approche plus nuancée et potentiellement plus complexe lors des contrôles.
  • Rappel à l'ordre sur la portée des instructions : Cette décision est un rappel important des limites du pouvoir normatif de l'administration et de la nécessité de respecter scrupuleusement la loi et les directives européennes dans l'élaboration des commentaires administratifs. Les simplifications ne doivent pas altérer le sens des conditions légales : le BOFiP n'offre pas à l'administration la possibilité d'agir de manière similaire au législateur.

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Les rédacteurs

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