Comprendre la distinction entre livraison de biens, acquisition intracommunautaire et prestations de service

Champ d'application de la TVA : quelles opérations sont concernées ?

La Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) s'applique à un large éventail d'opérations économiques en France. Les articles 256 et 256 bis du Code Général des Impôts (CGI) définissent le périmètre exact de cette taxe.

Trois grandes catégories d'opérations sont principalement visées :

  • Les livraisons de biens meubles corporels : Il s'agit du transfert du pouvoir de disposer d'un bien matériel comme un propriétaire. (Doctrine administrative - BOI-TVA-CHAMP-10-10-40-10)
  • Les acquisitions intracommunautaires : Cela concerne l'achat de biens meubles corporels par une entreprise en France auprès d'une entreprise située dans un autre État membre de l'Union Européenne. (Doctrine administrative - BOI-TVA-CHAMP-10-10-40-20)
  • Les prestations de services : Cette catégorie regroupe toutes les opérations qui ne constituent ni une livraison de bien, ni une acquisition intracommunautaire. (Doctrine administrative - BOI-TVA-CHAMP-10-10-40-30)

Des règles spécifiques encadrent également :

  • Les opérations réalisées par des intermédiaires agissant en leur nom propre ou au nom d'autrui (Doctrine administrative - BOI-TVA-CHAMP-10-10-40-40).
  • Les transactions effectuées via des bons d'achat (Doctrine administrative - BOI-TVA-CHAMP-10-10-40-50).
  • Les ventes à distance de biens, le rôle des interfaces électroniques (marketplaces) facilitant ces ventes, et certaines livraisons internes spécifiques (Doctrine administrative - BOI-TVA-CHAMP-10-10-40-60).

Ces cas spécifiques sont traités dans le prochain chapitre.

La distinction cruciale entre livraison de biens et prestation de services

Identifier si une opération est une livraison de bien ou une prestation de service est fondamental. Bien que les définitions soient données par le CGI (article 256 II, III et IV), la qualification peut être complexe dans certaines situations.

Pourquoi cette distinction est-elle si importante ? Elle a des conséquences directes sur :

  • La territorialité de la TVA (où l'opération est imposable).
  • L'exigibilité de la taxe (quand la TVA doit être déclarée et payée).
  • Le taux de TVA applicable.
  • Les seuils déterminant le régime d'imposition (régime réel normal, simplifié, franchise en base).

Cas pratiques : activités mixtes et jurisprudence

Certaines activités combinent naturellement la livraison de biens et la prestation de services.

  • Travaux d'installation : Ils incluent la vente du matériel (livraison de bien) et sa pose (prestation de services).
  • Réparation vs Rénovation : Une réparation est un service (le bien reste d'occasion). Une rénovation ou transformation créant un bien neuf est assimilée à une livraison de bien fabriqué (voir Doctrine administrative - BOI-TVA-BASE-10-20-40-20, III § 140 pour les services avec fournitures).
  • Photographie : La simple impression de fichiers fournis par le client est une livraison de biens. La vente en série de cartes postales ou portraits l'est aussi. En revanche, une séance de prise de vues commandée par un client est une prestation de services.
  • Films et Vidéos : La création (composition, fixation sur support) est un service si la valeur intellectuelle prime sur le support matériel. La vente de nombreuses copies est une livraison de biens (CE, décision Guilbaud du 16 janvier 1974, n° 86417).
  • Reprographie : La simple copie de documents est une livraison de biens (transfert du support). Si des services additionnels importants (conseil, mise en page complexe, etc.) deviennent prédominants, l'ensemble est qualifié de prestation de services (CJUE, 11 février 2010, aff. 88/09, Graphic Procédé ; CE, 10 juin 2010, n° 296591, Graphic Procédé ; CAA Marseille, 25 novembre 2011, n° 09MA02979, Delta Color).

I. Livraison de biens : définition et cas spécifiques

L'article 256 du Code Général des Impôts (CGI) définit les livraisons de biens comme l'une des opérations principales soumises à la TVA en France. Comprendre cette notion est essentiel pour déterminer si une transaction est taxable.

Qu'est-ce qu'une livraison de biens au sens de la TVA ?

Selon le II de l'article 256 du CGI, une livraison de bien correspond au transfert du pouvoir de disposer d'un bien corporel comme un propriétaire. Cela signifie que l'acheteur acquiert les prérogatives essentielles du propriétaire (usage, jouissance, disposition).

Pour qu'une livraison de biens soit dans le champ de la TVA, plusieurs conditions doivent être réunies :

  1. Elle doit être effectuée par un assujetti : C'est-à-dire une personne réalisant de manière indépendante une activité économique (voir Doctrine administrative - BOI-TVA-CHAMP-10-10-20 pour la définition de l'assujetti).
  2. Elle doit porter sur un bien corporel : Il s'agit de biens matériels (meubles). L'électricité, le gaz, la chaleur et le froid sont assimilés à des biens corporels. Les biens incorporels (brevets, marques, etc.) relèvent des prestations de services, et les biens immeubles suivent des règles spécifiques (CGI, art. 257, I).
  3. Elle doit impliquer un transfert de propriété (ou du pouvoir d'en disposer) : Le cas le plus courant est la vente, où l'accord sur la chose et le prix suffit généralement à transférer la propriété.
  4. Elle doit être réalisée à titre onéreux : Il doit exister une contrepartie (argent, autre bien, service), même si l'opération est faite "à prix coûtant". Les livraisons gratuites ne sont en principe pas soumises à TVA (sauf exceptions comme certains prélèvements).

Point important : Les ventes de biens d'occasion utilisés pour l'exploitation sont taxables si ces biens ont ouvert droit à déduction de la TVA lors de leur acquisition. Sinon, elles sont exonérées (CGI, art. 261, 3-1°-a).

Quelles opérations sont assimilées à des livraisons de biens ?

Le CGI assimile certaines opérations à des livraisons de biens, même si elles ne correspondent pas exactement à une vente classique :

  • Le transfert de propriété suite à une réquisition de l'autorité publique (CGI, art. 256, II-3°-a).
  • La remise matérielle d'un bien dans le cadre d'un contrat de location-vente, de vente à tempérament avec clause de transfert de propriété au dernier paiement, ou de vente avec réserve de propriété (CGI, art. 256, II-3°-c et d). Ici, c'est la remise physique qui compte, pas le transfert juridique de propriété différé.
  • L'échange d'un bien contre un autre bien (considéré comme une double vente) ou contre un service.
  • Le prêt de consommation (portant sur des biens qui se consomment par l'usage, comme des matières premières), car il y a transfert immédiat de propriété (Code Civil, art. 1893).
  • Le prélèvement de marchandises par un associé si son compte est débité en contrepartie.

Attention : Le crédit-bail mobilier (leasing) n'est PAS une livraison de bien lors de la remise matérielle. Il s'agit d'une location avec option d'achat. La vente n'intervient que si l'option est levée.

Cas particulier : les ventes à distance de biens

Les règles spécifiques aux ventes à distance de biens (VAD), notamment celles facilitées par des interfaces électroniques (marketplaces), sont détaillées dans la Doctrine administrative - BOI-TVA-CHAMP-10-10-40-60.

Les transferts de biens entre États membres de l'UE

Le III de l'article 256 du CGI introduit une notion spécifique : le transfert intracommunautaire. Il s'agit de l'expédition ou du transport, par un assujetti ou pour son compte, d'un bien de son entreprise depuis la France vers un autre État membre de l'UE, pour les besoins de son entreprise (mouvement de stock, transfert de bien d'investissement vers une succursale, etc.), sans qu'il y ait vente à ce stade.

Ce transfert est assimilé à une livraison de biens taxable en France (généralement exonérée comme livraison intracommunautaire) et corrélativement à une acquisition intracommunautaire taxable dans l'État membre d'arrivée.

Exception : Ce régime ne s'applique pas aux flux avec les DOM (qui relèvent de l'import/export) ni si les biens sont immédiatement exportés depuis l'État membre de transit.

Ventes à l'essai

Lorsqu'un bien est envoyé dans un autre État membre pour essai par le client avant confirmation de la vente (condition suspensive), l'expédition initiale n'est pas un transfert taxable. La livraison intracommunautaire n'a lieu qu'au moment où les essais sont concluants et la propriété est transférée.

Exceptions : quand un mouvement de bien n'est pas un transfert taxable

Certains mouvements de biens vers un autre État membre ne sont PAS considérés comme des transferts taxables, même s'ils sont faits pour les besoins de l'entreprise :

  1. Utilisation temporaire ouvrant droit à l'admission temporaire (AT) : Si le bien est envoyé pour être utilisé temporairement (max 24 mois) dans des conditions qui permettraient de bénéficier de l'AT en exonération totale s'il était importé (ex: matériel professionnel, biens pour exposition, matériel pédagogique, moules, etc.). Le bien doit revenir en France.
  2. Utilisation temporaire pour une prestation de services : Si le bien est envoyé temporairement (max 24 mois) pour réaliser une prestation de services dans l'autre État membre et qu'il revient ensuite en France en l'état (sauf biens consommés lors d'essais).
  3. Biens envoyés pour travaux ou expertises : Si un bien est envoyé pour subir une façon, une réparation, une expertise, etc., et qu'il est ensuite réexpédié en France chez le donneur d'ordre (ou directement chez son client en France).
  4. Biens pour montage ou installation : Si le bien est envoyé pour être monté ou installé dans l'État membre d'arrivée (la livraison a lieu dans cet État).
  5. Biens pour livraisons à bord de moyens de transport : Biens destinés à être vendus (à emporter ou à consommer sur place) lors d'un transport intracommunautaire de passagers.
  6. Gaz ou électricité : Transportés pour une livraison dont le lieu se situe dans l'autre État membre.

Important : Si les conditions de l'une de ces exceptions cessent d'être remplies (ex: le bien reste plus de 24 mois, il est vendu sur place au lieu de revenir), l'opération devient un transfert taxable au moment où la condition n'est plus respectée.

Focus sur les stocks sous contrat de dépôt (régime de consignation UE)

Un régime simplifié existe pour les stocks dits "sous contrat de dépôt" ou "de consignation" (CGI, art. 256, III bis). Il permet à un fournisseur français d'envoyer des biens dans un stock dans un autre État membre, à disposition d'un client identifié, sans réaliser de transfert taxable au moment de l'expédition.

Conditions pour bénéficier de ce régime :

  • Les biens sont expédiés par le fournisseur (ou pour son compte) vers un autre État membre pour y être livrés ultérieurement à un acquéreur prédéterminé.
  • Le fournisseur n'a pas d'établissement stable dans l'État membre de stockage.
  • L'acquéreur est identifié à la TVA dans cet État membre et communique son numéro au fournisseur avant l'expédition.
  • Le fournisseur tient un registre spécifique de ces biens (CGI, art. 286 quater, I-2).
  • Le fournisseur déclare le mouvement sur l'état récapitulatif (DEB) avec l'identité et le N° de TVA de l'acquéreur.
  • La livraison effective (transfert de propriété à l'acquéreur) a lieu dans les 12 mois suivant l'arrivée des biens.

Si toutes ces conditions sont remplies :

  • L'expédition initiale n'est pas un transfert taxable pour le fournisseur.
  • Le fournisseur réalise une livraison intracommunautaire exonérée uniquement au moment où l'acquéreur prélève les biens du stock (dans la limite des 12 mois).
  • Le fournisseur doit déclarer ce mouvement initial sur la DEB (sans valeur) et tenir le registre. Une facture pro forma est recommandée. La facture définitive est émise lors du prélèvement.

Si les conditions ne sont plus remplies (ex: dépassement des 12 mois, changement d'acquéreur, bien détruit, retour en France), les règles classiques du transfert s'appliquent (ou d'autres règles selon la situation).

II. Les acquisitions intracommunautaires et TVA : ce qu'il faut savoir

L'article 256 bis du CGI régit la taxation des acquisitions intracommunautaires de biens meubles corporels à la TVA.

Qu'est-ce qu'une acquisition intracommunautaire ?

Il s'agit de l'obtention, par un acquéreur en France, du pouvoir de disposer comme un propriétaire d'un bien meuble corporel qui a été expédié ou transporté depuis un autre État membre de l'UE vers la France (par le vendeur, l'acquéreur ou pour leur compte).

Deux conditions clés :

  1. Transfert du pouvoir de disposer du bien (similaire à la livraison de biens).
  2. Flux physique du bien depuis un autre État membre vers la France.

Précision : Les échanges avec les DOM ne sont pas des acquisitions intracommunautaires mais relèvent du régime des importations. Le fait que le vendeur facture la TVA dans son pays (par erreur ou non-respect des conditions d'exonération) ne dispense pas l'acquéreur de taxer l'acquisition intracommunautaire en France.

Le régime des stocks sous contrat de dépôt (vu précédemment) a une incidence : l'acquisition intracommunautaire par le client n'a lieu qu'au moment où il prend possession des biens dans le stock (dans la limite des 12 mois), et non à l'arrivée physique des biens en France.

Opérations assimilées à une acquisition intracommunautaire

Le II de l'article 256 bis du CGI assimile certaines opérations à des acquisitions intracommunautaires, même sans vente directe :

  1. L'affectation en France par un assujetti d'un bien de son entreprise expédié depuis un autre État membre : C'est le pendant du "transfert" vu côté livraison. Un assujetti qui déplace un bien (stock, investissement) qu'il possède dans un autre État membre vers la France pour les besoins de son entreprise réalise une acquisition intracommunautaire taxable en France.
    • Exceptions : Ce n'est pas une acquisition si le bien est destiné à une vente à distance, s'il est immédiatement exporté depuis la France, ou s'il ne fait que transiter par la France entre deux autres États membres.
  2. La réception en France d'un bien importé dans un autre État membre par une personne morale non assujettie : Si une entité non assujettie importe un bien dans un pays A de l'UE puis le fait venir en France, elle réalise une acquisition intracommunautaire en France (sous réserve du régime dérogatoire).

Exceptions : quand une affectation n'est pas une acquisition intracommunautaire taxable

Comme pour les transferts, certains mouvements de biens depuis un autre État membre vers la France pour les besoins de l'entreprise ne sont pas considérés comme des acquisitions intracommunautaires taxables (article 256 bis, II-2°) :

  1. Utilisation temporaire ouvrant droit à l'admission temporaire (AT) : Si le bien arrive pour être utilisé temporairement (max 24 mois) en France dans des conditions qui permettraient de bénéficier de l'AT (matériel pro, expo, etc.) et qu'il repart ensuite.
  2. Utilisation temporaire pour une prestation de services : Si le bien arrive temporairement (max 24 mois) pour permettre à l'assujetti étranger de réaliser une prestation en France et qu'il repart ensuite en l'état.
  3. Biens reçus pour travaux ou expertises : Si un bien arrive en France pour y subir une façon, réparation, expertise, etc., et qu'il est ensuite réexpédié vers l'assujetti donneur d'ordre dans l'État membre de départ.
  4. Biens destinés à être montés ou installés en France : La livraison est alors localisée en France (CGI, art. 258, I-b).
  5. Biens pour livraisons à bord de moyens de transport : Si les biens arrivent en France pour être vendus à bord lors d'un transport dont le départ est en France (CGI, art. 258, I-d).
  6. Gaz, électricité, chaleur ou froid : Transportés pour une livraison située en France (CGI, art. 258, III).

Important : Si les conditions d'une exception ne sont plus remplies (dépassement durée, vente en France, etc.), l'opération devient une acquisition intracommunautaire taxable.

Ventes à l'essai

Comme pour les livraisons, si un bien arrive en France depuis un autre État membre dans le cadre d'une vente à l'essai, la réception initiale n'est pas une acquisition intracommunautaire taxable. L'acquisition n'a lieu qu'au moment où les essais sont concluants et la propriété est transférée à l'acquéreur français.

Régime d'imposition des acquisitions intracommunautaires

En principe, les acquisitions intracommunautaires réalisées à titre onéreux par un assujetti (ou une personne morale non assujettie) auprès d'un vendeur assujetti sont soumises à la TVA en France.

Exclusions principales :

  • Achats auprès d'un vendeur bénéficiant de la franchise en base dans son pays.
  • Biens installés ou montés en France par le vendeur (taxables comme livraison interne).
  • Biens relevant des ventes à distance.
  • Achats par des particuliers (sauf moyens de transport neufs - CGI, art. 298 sexies).

Le régime dérogatoire (PBRD)

Certaines personnes, bien que réalisant des acquisitions intracommunautaires, peuvent bénéficier d'un régime dérogatoire les dispensant de soumettre ces opérations à la TVA française (CGI, art. 256 bis, I-2°).

Personnes concernées (dites "PBRD" - Personnes Bénéficiant du Régime Dérogatoire) :

  • Personnes morales non assujetties (associations loi 1901 pour leurs activités non lucratives, collectivités locales...).
  • Assujettis réalisant uniquement des opérations n'ouvrant pas droit à déduction (ex: bénéficiaires de la franchise en base de l'article 293 B du CGI).
  • Exploitants agricoles au remboursement forfaitaire (CGI, art. 298 quater et quinquies).

Condition de seuil : Ce régime s'applique si le montant total des acquisitions intracommunautaires (hors TVA, hors moyens de transport neufs et produits soumis à accises) n'a pas dépassé 10 000 € l'année civile précédente ET ne dépasse pas 10 000 € l'année civile en cours. Dès que le seuil est franchi en cours d'année, l'acquisition qui provoque le dépassement et les suivantes deviennent taxables.

Exclusion du régime dérogatoire : Il ne s'applique jamais aux acquisitions de moyens de transport neufs ni aux produits soumis à accises (alcools, tabacs, huiles minérales).

Option pour la taxation des acquisitions intracommunautaires

Une PBRD peut choisir (opter) de soumettre volontairement ses acquisitions intracommunautaires à la TVA française, même si elle est sous le seuil de 10 000 € (CGI, art. 260 CA).

  • Modalités : Option écrite auprès du service des impôts, prend effet le 1er jour du mois de la déclaration.
  • Durée : Couvre l'année de l'option + les 2 années civiles suivantes.
  • Reconduction : Tacite, par période de 2 ans.
  • Dénonciation : Écrite, 2 mois avant la fin de la période d'option.
  • Conséquence : La PBRD obtient un numéro de TVA intracommunautaire et doit déclarer et payer la TVA sur ses acquisitions.

Fin du régime dérogatoire

Une PBRD perd le bénéfice du régime dérogatoire et doit soumettre ses acquisitions à la TVA si :

  • Elle dépasse le seuil de 10 000 €.
  • Elle ne remplit plus les conditions pour être une PBRD (devient assujettie avec droit à déduction, sort du régime agricole forfaitaire, etc.).
  • Elle opte volontairement pour la taxation.

Dans ces cas, elle doit s'identifier à la TVA (CGI, art. 286 ter).

III. Prestations de services et TVA : définition et exemples

Le I de l'article 256 du CGI soumet à la TVA les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel.

Qu'est-ce qu'une prestation de services ?

De manière générale, le IV de l'article 256 du CGI définit les prestations de services comme toutes les opérations qui ne sont pas des livraisons de biens. Cette catégorie est donc très large et inclut notamment :

  • Les cessions ou concessions de biens meubles incorporels (brevets, marques, licences, logiciels non spécifiques...) (Doctrine administrative - BOI-TVA-CHAMP-10-10-30).
  • Les locations de biens meubles corporels (véhicules, matériel...) (Doctrine administrative - BOI-TVA-CHAMP-10-10-50-30, I § 10 à 30).
    • Cas particulier (RES N°2005/94) : La mise à disposition d'outils spécifiques (clichés, cylindres) facturée distinctement de la livraison de produits imprimés avec ces outils est considérée comme accessoire à la livraison de biens si les outils ne servent qu'à cette livraison spécifique. Si les outils peuvent servir à d'autres fins pour le client, leur mise à disposition est une location de bien meuble distincte (prestation de services).
  • Les locations de biens meubles incorporels.
  • Les locations de biens immeubles (soumises à des règles spécifiques, souvent exonérées sauf option) (Doctrine administrative - BOI-TVA-CHAMP-10-10-50-20 et BOI-TVA-CHAMP-10-10-30).
  • Les transports de biens ou de personnes et les prestations accessoires (Doctrine administrative - BOI-TVA-CHAMP-20-50-20).
  • Les travaux immobiliers (voir section suivante).
  • Les ventes à consommer sur place (restauration) (Doctrine administrative - BOI-TVA-CHAMP-20-50-30, V-A § 590).
  • Les opérations des intermédiaires transparents (agissant au nom et pour le compte d'autrui).
  • Les travaux à façon (transformation d'un bien fourni par le client) (Doctrine administrative - BOI-TVA-CHAMP-10-10-50-10).
  • Les travaux d'étude, de recherche et d'expertise (Doctrine administrative - BOI-TVA-CHAMP-10-10-60).
  • Le louage d'industrie ou contrat d'entreprise (exécution d'un travail contre rémunération).
  • L'obligation de ne pas faire ou de tolérer un acte ou une situation.
  • Les opérations sur devises, billets, actions, obligations (hors monnaie de collection et titres représentatifs de marchandises ou d'immeubles) (CGI, art. 256, IV-2°).
  • L'exécution des obligations du fiduciaire (CGI, art. 256, IV-1°).

Focus sur les travaux immobiliers

La distinction entre travaux immobiliers (prestation de services) et vente de matériel avec pose (livraison de bien + prestation de services accessoire) est cruciale. Sont considérés comme travaux immobiliers :

  1. Travaux de construction et de démolition :
    • Travaux de bâtiment (maçonnerie, charpente, menuiserie intégrée, plomberie, électricité de base, etc.).
    • Travaux publics (routes, ponts, canaux, etc.).
    • Constructions métalliques intégrées (silos, hangars, pylônes...).
    • Aménagement de terrain modifiant le relief (terrassement, démolition, défrichage lourd...).
    • Ne sont pas des travaux immobiliers mais des services rattachés à l'immeuble : dragage d'entretien, recherches (eau, pétrole), études de sol, sondages miniers improductifs, nettoyage (vernissage, ramonage), travaux agricoles (labourage, reboisement), montage/location d'échafaudages (sauf si le prestataire exécute aussi les travaux).
  2. Travaux d'équipement des immeubles :
    • Installation d'éléments incorporés à titre définitif, dont le retrait causerait des détériorations importantes à l'élément ou à l'immeuble (chauffage central, sanitaire, électricité intégrée, climatisation centrale, ascenseurs, cloisons non aisément déplaçables, revêtements de sol collés, antennes collectives...).
    • Ne sont pas des travaux immobiliers (vente + pose) : Installation d'appareils simplement raccordés (électroménager, radiateurs électriques mobiles, luminaires), meubles simplement fixés pour la stabilité (étagères, miroirs), machines industrielles (même fixées au sol, si démontables sans destruction).
  3. Travaux de réparation ou de réfection :
    • Remise en état d'un immeuble ou d'une installation immobilière par remplacement ou ajout d'éléments intégrés (ravalement, réparation de toiture, remplacement chaudière, traitement charpente...).
    • Ne sont pas des travaux immobiliers : Simple entretien (nettoyage, graissage, réglage) sauf s'il est l'accessoire de travaux de réparation plus importants.

Cas spécifique : La construction en usine, transport et montage sur site de matériel industriel très lourd (type centrale électrique) peut être considérée comme une livraison de bien meuble unique si le montage est l'achèvement indispensable de la fabrication (CE, 3 mars 1976, n° 94749, Fives-Penhoët).

Autres prestations de services spécifiques

  • Échanges de quotas d'émission de gaz à effet de serre : La cession de ces droits incorporels est une prestation de services taxable (CGI, art. 256).
  • Contrat d'ijara (finance islamique) : Analysé comme une location (prestation de services) potentiellement suivie d'une vente. (Doctrine administrative - BOI-DJC-FIN-30).
  • Ventes en filière : Le transfert du "droit à être livré" par les intermédiaires est une prestation de services (cession de droit incorporel), tout comme le fait pour le premier vendeur d'accepter la substitution du client final. Ces prestations sont taxables au taux normal, indépendamment du taux du bien sous-jacent. (Doctrine administrative - BOI-TVA-BASE-10-20-10, IV-B).

Conclusions

Déterminer si une opération entre dans le champ d'application de la TVA est une étape fondamentale. Comme détaillé dans ce document, la loi française, via les articles 256 et suivants du CGI, définit précisément les opérations imposables.

Cela inclut principalement les livraisons de biens meubles corporels et les prestations de services, réalisées à titre onéreux par un assujetti. La distinction entre ces deux catégories, bien que parfois complexe (notamment pour les travaux immobiliers ou les opérations mixtes), est essentielle car elle conditionne les règles de territorialité, d'exigibilité et de taux applicables.

Des régimes spécifiques existent également pour les opérations intracommunautaires (acquisitions, transferts, régime des stocks sous contrat de dépôt), les ventes à distance, ainsi que pour certaines prestations particulières comme celles des intermédiaires (transparents ou opaques) ou les ventes en filière.

Une bonne compréhension de ces règles, éclairée par la jurisprudence, est indispensable pour sécuriser les opérations des entreprises au regard de la TVA.

Référence à la doctrine administrative applicable : BOI-TVA-CHAMP-10-10-40 ; BOI-TVA-CHAMP-10-10-40-10 ; BOI-TVA-CHAMP-10-10-40-20 ; BOI-TVA-CHAMP-10-10-40-30

Foire aux questions

Qu'est-ce que la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) et quelles opérations couvre-t-elle en France ?

La Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) est un impôt indirect qui s'applique à la consommation en France. Son champ d'application est défini par les articles 256 et 256 bis du Code Général des Impôts (CGI). Elle vise principalement trois grandes catégories d'opérations :

  1. Les livraisons de biens meubles corporels : C'est le transfert du pouvoir de disposer d'un bien matériel comme un propriétaire (vente, échange, etc.).
  2. Les acquisitions intracommunautaires : L'achat de biens meubles corporels par une entreprise en France auprès d'une entreprise située dans un autre État membre de l'Union Européenne.
  3. Les prestations de services : Toutes les opérations qui ne sont ni une livraison de bien, ni une acquisition intracommunautaire (locations, travaux, services intellectuels, etc.).

Des règles spécifiques existent également pour les intermédiaires, les bons d'achat, les ventes à distance et les transactions via interfaces électroniques.

Qu'est-ce qu'une "livraison de biens" au sens de la TVA et quelles conditions doivent être remplies ?

Selon l'article 256, II du CGI, une livraison de bien est le transfert du pouvoir de disposer d'un bien corporel comme un propriétaire. Pour qu'une livraison de biens soit soumise à la TVA en France, plusieurs conditions cumulatives doivent être réunies :

  • L'opération doit être effectuée par un assujetti (une personne réalisant une activité économique indépendante).
  • Elle doit porter sur un bien corporel (bien matériel, y compris gaz, électricité, chaleur, froid). Les biens incorporels sont généralement des prestations de services.
  • Elle doit impliquer un transfert de propriété ou du pouvoir d'en disposer (majoritairement via la vente).
  • Elle doit être réalisée à titre onéreux (contrepartie, même à prix coûtant). Les livraisons gratuites ne sont généralement pas taxables, sauf exceptions.

Certaines opérations, même sans vente classique, sont assimilées à des livraisons de biens, comme le transfert suite à réquisition, la remise matérielle dans certains contrats avec clause de propriété différée (location-vente), l'échange de biens, le prêt de consommation, ou certains prélèvements par un associé.

Qu'est-ce qu'une "acquisition intracommunautaire" et quand est-elle soumise à la TVA en France ?

Une acquisition intracommunautaire (AIC) est l'obtention par un acquéreur en France du pouvoir de disposer d'un bien meuble corporel qui a été expédié ou transporté depuis un autre État membre de l'UE vers la France (article 256 bis du CGI). Elle est soumise à la TVA en France lorsque l'acquéreur est un assujetti (ou une personne morale non assujettie) agissant en tant que tel et que le vendeur est également un assujetti dans l'autre État membre. Deux conditions essentielles sont le transfert du pouvoir de disposer du bien et le flux physique du bien d'un autre État membre vers la France. Le fait que le vendeur ait facturé la TVA dans son pays ne dispense pas l'acquéreur de taxer l'AIC en France. Certaines affectations de biens (mouvements de stocks ou d'investissement) par un assujetti depuis un autre État membre vers la France pour les besoins de son entreprise sont assimilées à des acquisitions intracommunautaires taxables.

Qu'est-ce que le régime dérogatoire (PBRD) pour les acquisitions intracommunautaires et qui peut en bénéficier ?

Le régime dérogatoire, concernant les "Personnes Bénéficiant du Régime Dérogatoire" (PBRD), permet à certaines entités réalisant des acquisitions intracommunautaires d'être dispensées de soumettre ces opérations à la TVA française (article 256 bis, I-2° du CGI). Les personnes potentiellement concernées sont les personnes morales non assujetties (comme certaines associations ou collectivités locales) et les assujettis qui ne réalisent que des opérations n'ouvrant pas droit à déduction (par exemple, ceux sous le régime de la franchise en base de TVA) ou les exploitants agricoles au remboursement forfaitaire. Ce régime s'applique sous une condition de seuil : le montant total des acquisitions intracommunautaires (hors moyens de transport neufs et produits soumis à accises) ne doit pas avoir dépassé 10 000 € l'année civile précédente ET ne doit pas dépasser 10 000 € l'année civile en cours. Si le seuil de 10 000 € est franchi en cours d'année, toutes les acquisitions à partir de celle qui a causé le dépassement deviennent taxables. Ce régime ne s'applique jamais aux acquisitions de moyens de transport neufs ou de produits soumis à accises.

Comment une personne bénéficiant du régime dérogatoire (PBRD) peut-elle choisir de soumettre volontairement ses acquisitions intracommunautaires à la TVA ?

Une PBRD qui remplit les conditions du régime dérogatoire (seuil de 10 000 € non dépassé) peut choisir d'opter pour la taxation volontaire de ses acquisitions intracommunautaires (article 260 CA du CGI). Cette option se fait par écrit auprès du service des impôts. Elle prend effet le 1er jour du mois de la déclaration et couvre l'année de l'option ainsi que les deux années civiles suivantes. L'option est reconduite tacitement par période de deux ans, sauf dénonciation écrite deux mois avant la fin de la période. En exerçant cette option, la PBRD obtient un numéro de TVA intracommunautaire et doit déclarer et payer la TVA sur toutes ses acquisitions intracommunautaires.

Qu'est-ce qu'une "prestation de services" au sens de la TVA ?

Selon l'article 256, IV du CGI, une prestation de services regroupe toutes les opérations qui ne constituent pas une livraison de biens. Cette catégorie est donc très large. Elle inclut notamment :

  • La cession ou concession de biens meubles incorporels (brevets, marques, licences).
  • Les locations de biens (meubles corporels ou incorporels, et immeubles, sauf règles spécifiques pour ces derniers).
  • Les transports (biens ou personnes) et prestations associées.
  • Les travaux immobiliers.
  • Les ventes à consommer sur place (restauration).
  • Les opérations d'intermédiaires transparents.
  • Les travaux à façon (transformation d'un bien fourni par le client).
  • Les travaux d'étude, de recherche, d'expertise.
  • Le louage d'industrie ou contrat d'entreprise.
  • Les obligations de ne pas faire ou de tolérer.
  • Les opérations sur devises, titres (hors exceptions).
  • L'exécution des obligations d'un fiduciaire.

Ces opérations sont soumises à la TVA si elles sont effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel.

Quelle est la distinction entre une livraison de biens et une prestation de services, et pourquoi est-elle importante ?

La distinction entre une livraison de biens (transfert du pouvoir de disposer d'un bien corporel) et une prestation de services (toute autre opération) est fondamentale pour l'application de la TVA. Bien que les définitions soient dans le CGI, l'analyse peut être complexe pour les opérations mixtes. Cette distinction est cruciale car elle a des impacts directs sur :

  • La territorialité de la TVA (déterminer où l'opération est imposable).
  • L'exigibilité de la TVA (le moment où la taxe devient due).
  • Le taux de TVA applicable.
  • Le régime d'imposition (régime réel, simplifié, franchise en base).

Par exemple, des travaux d'installation peuvent être analysés comme une livraison de matériel (bien) et une prestation de pose (service). Une réparation est généralement un service, tandis qu'une rénovation qui crée un bien neuf peut être assimilée à une livraison.

Dans quels cas spécifiques un mouvement de biens entre États membres de l'UE n'est-il pas considéré comme un transfert taxable (assimilé à une livraison ou une acquisition intracommunautaire) ?

Certains mouvements de biens pour les besoins de l'entreprise entre États membres ne sont pas considérés comme des transferts taxables, à condition que les conditions de l'exception soient respectées et que le bien soit destiné à revenir dans l'État membre d'origine (généralement dans un délai de 24 mois). Ces exceptions incluent :

  • Utilisation temporaire ouvrant droit à l'admission temporaire (ex: matériel professionnel, biens pour exposition).
  • Utilisation temporaire pour réaliser une prestation de services dans l'autre État membre.
  • Envoi de biens pour subir des travaux (façon, réparation) ou des expertises.
  • Envoi de biens destinés à être montés ou installés dans l'État membre d'arrivée (la livraison finale étant taxée sur place).
  • Biens destinés à être vendus à bord de moyens de transport lors d'un transport intracommunautaire de passagers.
  • Transport de gaz, électricité, chaleur ou froid pour une livraison localisée dans l'autre État membre.

Si les conditions de ces exceptions cessent d'être remplies (par exemple, le bien reste plus de 24 mois, il est vendu sur place), l'opération devient un transfert taxable au moment où la condition n'est plus respectée.

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