Comprendre la notion d'intermédiaire en matière de TVA
Les dispositions législatives et réglementaires, spécifiquement l'article 256, V-1° et l'article 256 bis, III du Code Général des Impôts (CGI), définissent un cadre juridique et fiscal particulier pour les assujettis réalisant des opérations d'entremise relatives à des livraisons de biens ou des prestations de services. Une distinction fondamentale est opérée entre deux catégories d'intermédiaires.
Critères de distinction des intermédiaires
Un intermédiaire est défini comme une entité qui intervient entre une partie pour le compte de laquelle elle agit, dénommée le commettant, et un tiers. L'activité d'intermédiation se caractérise par les éléments suivants :
- Sur le plan juridique : L'existence d'un contrat de mandat stipulant les modalités de rémunération de l'intermédiaire ainsi que l'obligation de reddition de comptes. Ce mandat habilite l'intermédiaire à agir pour le compte d'autrui, excluant ainsi toute action de sa propre initiative.
- Sur le plan économique : L'intermédiaire n'utilise pas ses propres moyens d'exploitation pour fournir les biens ou services objets de la transaction. Conséquemment, il n'acquiert jamais la propriété des biens négociés et n'est pas l'exécutant matériel des services.
La législation fiscale instaure des régimes de TVA distincts selon que l'intermédiaire agit au nom d'autrui ou en son nom propre. Il est précisé que le statut juridique de l'intermédiaire au regard du droit commercial (courtier, commissionnaire, agent commercial) n'a pas d'incidence directe sur la qualification fiscale, laquelle est déterminée par les conditions objectives, contractuelles et matérielles de réalisation de l'opération.
Intermédiaires agissant au nom et pour le compte d'autrui (qualifiés de « transparents »)
L'intermédiaire qualifié de "transparent" se présente explicitement vis-à-vis du tiers cocontractant (acheteur ou vendeur) comme le mandataire direct du commettant. Cette qualification est retenue lorsque les conditions suivantes sont réunies :
- Le contrat conclu avec le tiers stipule expressément que l'intermédiaire agit au nom d'autrui et mentionne l'identité complète du commettant (nom ou raison sociale, adresse) ainsi que, le cas échéant pour les opérations intracommunautaires, son numéro d'identification à la TVA.
- En l'absence de contrat écrit, la facturation atteste de cette transparence : soit la facture est émise directement par le commettant (entremise à la vente) ou adressée directement au commettant (entremise à l'achat) ; soit, si elle est établie par ou adressée à l'intermédiaire, elle indique sans équivoque que celui-ci agit au nom du commettant, en fournissant les informations susmentionnées.
- En l'absence de tout document écrit (contrat ou facture), les circonstances de droit (analyse du contrat de mandat) ou de fait démontrent que le tiers avait connaissance de l'identité du commettant et de la qualité de représentant de l'intermédiaire.
Les agents commerciaux, tels que définis à l'article L. 134-1 du code de commerce, relèvent généralement de cette catégorie lorsqu'ils sont assujettis à la TVA.
Intermédiaires agissant en leur nom propre mais pour le compte d'autrui (qualifiés d'« opaques »)
Sont qualifiés d'"opaques" les intermédiaires qui ne satisfont pas aux critères de transparence décrits précédemment. Ils contractent avec le tiers en leur nom personnel, bien qu'agissant sur instruction d'un commettant.
Les commissionnaires, au sens de l'article L. 132-1 du code de commerce, constituent l'exemple paradigmatique de cette catégorie lorsqu'ils sont assujettis. Le traitement des ventes en consignation effectuées par un commissionnaire opaque est précisé au sein de la Doctrine administrative (BOI-TVA-CHAMP-10-10-40-20, I-C-3 § 326 à 329).
Régime de TVA applicable selon la qualification de l'intermédiaire
Le traitement fiscal des opérations d'entremise au regard de la TVA diffère substantiellement en fonction de la qualification de l'intermédiaire.
Régime applicable aux intermédiaires transparents
L'intervention d'un intermédiaire transparent est considérée comme une prestation de services autonome, distincte de l'opération principale intermédiée. La rémunération perçue par l'intermédiaire (commission) est soumise à la TVA selon son régime propre (taux, règles de territorialité, etc.), indépendamment du régime applicable à la livraison de bien ou à la prestation de service objet de l'entremise.
Dérogations légales : Dans des cas spécifiquement prévus par la loi, le régime de la prestation d'intermédiation est aligné sur celui de l'opération principale :
- En vertu de l'article 259, 7° du CGI, la prestation d'intermédiation rendue à un preneur non assujetti est territorialisée en France si l'opération principale y est elle-même localisée.
- Conformément à l'article 263 du CGI, la prestation d'intermédiation est exonérée de TVA si l'opération principale bénéficie d'une exonération prévue à l'article 262 ter du CGI (notamment pour les livraisons intracommunautaires).
Régime applicable aux intermédiaires opaques
Une fiction juridique s'applique aux intermédiaires opaques : ils sont réputés avoir personnellement acquis puis livré le bien, ou avoir personnellement reçu puis fourni le service. Ils sont donc traités fiscalement comme des acheteurs-revendeurs.
- Un commissionnaire intervenant "à la vente" est réputé acquérir les biens auprès de son commettant et les livrer ensuite au tiers acquéreur.
- Un commissionnaire intervenant "à l'achat" est réputé acquérir les biens auprès du tiers fournisseur et les livrer ensuite à son commettant.
Ce schéma entraîne deux conséquences fiscales majeures :
- L'intermédiaire est réputé effectuer lui-même la livraison du bien ou la fourniture du service (au tiers dans le cas d'une entremise à la vente, au commettant dans le cas d'une entremise à l'achat). La base d'imposition de cette opération réputée correspond au prix total acquitté par l'acquéreur final, incluant la commission de l'intermédiaire (CGI, art. 266, 1-b, al. 2).
- Le vendeur initial (le commettant pour une entremise à la vente, le tiers fournisseur pour une entremise à l'achat) est réputé effectuer une livraison de bien ou une fourniture de service à destination de l'intermédiaire. La base d'imposition de cette première opération réputée est égale au prix hors commission (CGI, art. 266, 1-b, al. 2).
Note : La rémunération (commission) de l'intermédiaire opaque n'est jamais soumise à la TVA de manière distincte ; elle est intégrée dans la base d'imposition de l'opération de revente réputée effectuée par l'intermédiaire.
Ces deux opérations successives (achat réputé et revente réputée) sont soumises au régime de TVA (taux, exonération, territorialité) applicable à la nature du bien ou du service intermédié. Le fait générateur de la TVA pour ces deux opérations est identique et intervient au moment où l'opération principale (celle dans laquelle l'intermédiaire s'entremet) est réalisée (CGI, art. 269, 1-a ter ; cf. Doctrine administrative BOI-TVA-BASE-20-40, II-B § 100).
Illustration chiffrée (intermédiaire opaque, acteurs établis en France, TVA à 20%) :
Montant total de la transaction : 10 000 € HT (commission incluse).
La TVA applicable est de 20 %.Le montant de la commission est de 1 500 € hors taxes.
Pour plus d'exemple, vous pouvez lire notre article spécifique publié il y a quelques mois.
FAQ
1. Qu’est-ce qu’un intermédiaire au sens fiscal ?
Un intermédiaire est une personne ou entité qui intervient entre un commettant (celui qui donne mandat) et un tiers (acheteur ou vendeur). Il agit toujours sur mandat et ne devient pas propriétaire des biens ou services qu’il négocie.
2. Quelles sont les catégories d’intermédiaires en matière de TVA ?
Deux catégories existent :
- Les intermédiaires « transparents » : ils agissent explicitement au nom et pour le compte d'autrui.
- Les intermédiaires « opaques » : ils agissent en leur nom propre mais pour le compte d'autrui.
3. Comment distingue-t-on un intermédiaire transparent d'un intermédiaire opaque ?
L’intermédiaire transparent indique explicitement au tiers l'identité complète du commettant. Cette transparence est attestée par un contrat écrit, la facturation ou des circonstances précises démontrant clairement le mandat. À défaut, l’intermédiaire est considéré comme opaque.
4. Quel est le régime TVA des intermédiaires transparents ?
La commission de l’intermédiaire transparent constitue une prestation autonome imposable à la TVA selon son propre régime (taux, règles territoriales spécifiques, etc.). Elle est indépendante de l’opération principale.
5. Existe-t-il des exceptions pour les intermédiaires transparents ?
Oui, notamment :
- Lorsque l’opération principale est réalisée en France pour un preneur non assujetti (art. 259, 7° CGI), la prestation d’intermédiation est aussi localisée en France.
- Si l’opération principale bénéficie d'une exonération de TVA (ex : livraison intracommunautaire), la prestation d’intermédiation associée est également exonérée (art. 263 CGI).
6. Comment sont traités les intermédiaires opaques en TVA ?
Ils sont considérés comme ayant personnellement acquis et revendu le bien ou le service. Ils effectuent donc deux opérations fictives soumises à la TVA :
- Achat fictif : auprès du commettant ou fournisseur initial.
- Revente fictive : auprès du tiers ou du commettant.
7. Comment est déterminée la base imposable pour les intermédiaires opaques ?
La base imposable pour l’intermédiaire opaque inclut le prix total payé par l'acquéreur final, y compris sa commission. La rémunération (commission) n'est pas imposée séparément ; elle est intégrée à la base imposable de l'opération globale.
8. Quel est le fait générateur de la TVA pour les intermédiaires opaques ?
Le fait générateur intervient au même moment que l’opération principale (vente ou prestation de service intermédiée).
9. Exemple chiffré (intermédiaire opaque, TVA à 20 %) :
- Prix total HT (commission incluse) : 10 000 €
- Commission intermédiaire : 1 500 € HT
- Base imposable pour l’intermédiaire : 10 000 € HT
- TVA due : 10 000 € x 20 % = 2 000 €.
10. Le statut commercial (courtier, agent, commissionnaire) influence-t-il la qualification fiscale ?
Non, le seul statut commercial ne détermine pas directement la qualification fiscale. Ce sont les conditions contractuelles et matérielles effectives qui sont prises en compte pour qualifier l'intermédiaire comme transparent ou opaque.
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